Au cimetière
Ils sont là tous les deux au fond du cimetière,
Ainsi que dans leur œuvre, unis dans leur sommeil,
Ces deux cœurs généreux, cher père et chère mère,
Trésor de foi, d’honneur et d’amour sans pareil.
Ceux qu’ils ont élevés avec tant de tendresse,
Leurs enfants sont au loin dispersés dans leurs deuils ;
De loin, l’un après l’autre, ils reviennent sans cesse.
Avec de pieux amis, visiter ces cercueils.
Les deux cœurs bien-aimés ! Pour nous encore ils vivent,
Dans le lit de gravier où l’on les enterra ;
Par leur douce pensée en tous lieux ils nous suivent,
Et se disent : Bientôt, un des enfants viendra.
À mon tour, je reviens après un long voyage,
Las des tristes combats, des stériles désirs.
Je revois la maison, je parcours le village
Dont mon âme a gardé tant de bons souvenirs.
Plus rien dans la maison, plus rien dans le village !
Désert est le foyer, muettes sont les voix
Qui jadis égayaient, enchantaient mon jeune âge !
Plus rien, hélas ! mon Dieu, du bonheur d’autrefois !
Mais voici le portail de l’enclos solitaire.
À l’ombre de ces murs sont mes deux chers tombeaux,
L’un à l’autre enlacés dans un réseau de lierre,
Parés des mêmes fleurs et des mêmes rameaux.
On dirait un jardin : l’œillet et l’églantine
Y marient leurs couleurs au vert sombre de l’if,
Et, tandis qu’à genoux sur le sol je m’incline,
Un oiseau fait entendre un son doux et plaintif.
C’est la vie au milieu de la funèbre enceinte,
La lumière du ciel dans l’ombre du trépas,
L’espoir dans la douleur auprès de la croix sainte,
Qui sur ce champ de mort élève ses deux bras.
Xavier MARMIER, Saint-Louis, 11 juin.
Paru dans La Semaine des Familles en 1875.