En Islande

 

 

Au sommet de l’Hécla, sur ce plateau glacé,

Sur cette neige blanche où l’étoile scintille,

Où depuis si longtemps personne n a passé,

J’inscris ton nom aimé, ton nom de jeune fille.

 

Ce nom, que je conserve en secret dans mon cœur,

Que j’invoque souvent, mais sans oser le dire,

Ma main, dans ce désert, le trace avec bonheur :

Aucun regard humain ici ne peut le lire.

 

Pour moi, dés maintenant, il devra se lier

Au souvenir du jour où, par les flots de lave,

J’ai gravi cet Hécla qui semble défier

Le pied le plus agile et le cœur le plus brave.

 

Delà je contemplais, en un soir lumineux,

La grandeur de l’Islande, étrange, désolée,

Ses amas de volcans, jadis si désastreux,

Et ses geysers fumant encor dans la vallée ;

 

Au loin, les joh’ull, ces éternels glaciers,

Avec leurs pics brillants et leurs cimes altières,

Plus bas l’âpre colline et ses rudes sentiers,

Puis deux pauvres hameaux au bord de deux rivières.

 

D’un côté, le brouillard par le vent emporté

Sur les champs assombris flottait comme un nuage ;

De l’autre, le soleil des quelques jours d’été

Dorait, à l’horizon, l’eau du golfe et la plage.

 

Tout était assoupi, muet, sans mouvement,

Mystère du désert, profondeur de l’abîme.

Et lorsque j’admirais, dans mon étonnement,

Du haut du mont Hécla ce spectacle sublime,

 

Ah ! que j’aurais voulu t’avoir auprès de moi

Pour entendre ta voix dans ce grave silence,

Et, dans l’élan du cœur, regarder avec toi

Le ciel en sa beauté, la terre en sa souffrance !

 

 

 

Xavier MARMIER.

 

Paru L’Année des poètes en 1892.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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