Les abeilles
Que j’envie, ô blondes abeilles,
Le sort que vous fit le destin,
Quand aux premiers feux du matin
Vous volez aux coupes vermeilles !
Comme vous allez vous baigner
Dans chaque goutte de rosée
Et sur toute plante irisée
De doux parfums vous imprégner !
Puis, ivres, vous vous reposez
Au sein de vos palais de cire
D’où montent des senteurs de myrrhe,
Comme des trépieds embrasés.
Jamais vous ne touchez nos fanges.
La terre qui souille nos pas ;
Pour prendre vos joyeux ébats,
Vous empruntez des ailes d’anges.
Le calice embaumé des fleurs
Au souffle du zéphyr vous berce,
Et, pour vous, la nature verse
L’odorant nectar de ses pleurs.
Ah ! qui pourra de cette terre,
Détachant aussi l’âme un peu,
Lui prêter des ailes de feu
Pour fuir vers une autre atmosphère !
Atteindre le pur idéal
Auquel, nuit et jour, elle aspire,
Ainsi que l’exilé soupire,
Après l’azur du ciel natal !
Poésie ! oh ! mieux qu’aux abeilles,
Tu peux lui donner son essor
Pour voler vers la cime d’or
Des inénarrables merveilles,
Verser quelques gouttes de miel,
Comme une divine ambroisie,
Dans la coupe pleine de fiel
Qu’à nos lèvres offre la vie !
Moïse-Joseph MARSILE, Épines et fleurs.