À mon petit
Enfant, rêve encore !
Dors, ô mes amours !
Ta jeune âme ignore
Où s’en vont tes jours.
Victor HUGO.
LE ruisseau, sous la forêt grise,
Est ridé par la fraîche brise,
L’oiseau se tait, le jour s’enfuit ;
C’est l’heure où tout sur terre tremble,
La fleur s’incline sous le tremble ;
Dors mon chéri, dors bien la nuit.
Le hibou qui passe dans l’ombre,
Jette son cri lugubre et sombre,
Au firmament l’étoile luit ;
Pendant que de peur tout frissonne,
Que tout redevient monotone,
Mon trésor, dors en paix la nuit.
Mon mignon, sur ta couche frêle,
L’ange gardien étend son aile,
Et sur toi veille avec amour,
Et sous la mousseline blanche,
Son beau front vers le tien se penche,
Ô mon bébé, dors jusqu’au jour.
À ton cœur plein d’insouciance,
Il chante une douce romance :
En te berçant pour t’endormir ;
Pendant cette heure de mystère,
Où le rêveur va solitaire ;
Petit, lâche de bien dormir.
Enfant à l’esprit d’espérance,
À l’âme faite d’innocence,
Au cœur sans haine ni remords ;
Dors heureux, car sur toi l’on veille
Pendant qu’ici-bas tout sommeille ;
Dors mon petit chérubin, dors.
Te préservant des jours moroses,
Parmi les jasmins et les roses
L’avenir trace ton chemin ;
Avant que se lève l’aurore,
Ferme les yeux et rêve encore,
Petit, dors bien jusqu’à demain
Arthur MARSEILLE.
Paru dans La Sylphide en 1897.