Espoir

 

 

Belle enfant, frêle et diaphane,

Tu sembles craindre, noble ami,

Qu’un léger souffle ne la fane, –

Pauvre ange en tes bras endormi !

 

Bannis tes alarmes, espère :

Dieu qui te voit, Dieu qui t’entend,

Ne la donne pas à son père

Pour la reprendre au même instant.

 

Ce Dieu, conscient de lui-même,

Sur nos pas, dans tous les chemins,

Devant nous ainsi toujours sème

Des mystères à pleines mains.

 

Souvent sous une tendre écorce

Un jet vigoureux apparaît.

L’arbuste accuse-t-il la force

De l’arbre roi de la forêt ?

 

Jetons nos regards en arrière.

Des amis de notre printemps

Combien ont fini leur carrière

Qui devaient vivre si longtemps !

 

Combien, que notre indifférence

Oublîra dans leur froid tombeau,

À qui paraissait l’espérance

Promettre un avenir si beau !

 

Où fut plus d’une citadelle,

Trop souvent le temps n’a laissé

Debout que la pâle asphodèle

Parmi les débris du passé.

 

C’est ainsi souvent qu’au plus faible

Un meilleur sort est destiné.

Le vent courbe à peine l’yèble

Que le chêne est déraciné. –

 

Beaucoup auront cessé de vivre,

Que nous te verrons dans ses yeux

Lire encor comme dans un livre

Qui ne te parle que des cieux.

 

Doux ange, portrait de sa mère,

Qui, marqué de son divin sceau,

Comme elle n’aura d’éphémère

Que les larmes de son berceau !

 

 

3 mars 1852.

 

 

Adolphe MATHIEU, Givre et Gelées, 1852.

 

 

 

 

 

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