Novembre
Une rose qui tremble et bientôt va mourir...
Des feuilles qui s’en vont au hasard de la route
En criant sous les pas qui viennent les meurtrir.
C’est Novembre déjà... Novembre qu’on redoute.
Mois, vibrant de sanglots et voilé de regrets
Qu’imprègne le parfum troublant du cimetière
Mois des ors finissants et des carmins discrets
Où le bronze a glissé près de la pourpre altière.
Le crêpe noir frissonne au souffle âpre du vent,
Dérobant sous sa nuit la pâleur des visages.
C’est la fête des morts... la fête qui, souvent,
Fait revivre à nos yeux de trop chères images...
Le gris morne du ciel oppresse les cœurs las,
Sur le seuil des tombeaux des femmes s’agenouillent
Rythmant leurs oraisons au rythme lent du glas
Qui seul, met un espoir dans les yeux qui se mouillent...
Parfois, autour des croix, s’élève un léger bruit.
Est-ce une âme qui passe ? ou bien l’aile d’un ange ?
Qui frôle les vivants, puis vers le ciel s’enfuit ?
Ou n’est-ce qu’un oiseau que la bise dérange ?
Des êtres disparus, nul ne connaît le sort,
Nul ne peut au sépulcre arracher son mystère.
La science de l’homme a pour maître la mort,
Son corps, dès sa naissance, appartient à la terre.
Une feuille qui tombe... un jardinet rouillé,
Une rose qui meurt auprès d’un chrysanthème...
C’est novembre déjà... Novembre au pas mouillé
Qui tristement s’avance avec sa face blême.
Mais poursuivant son chant avec sérénité
Pour rapprocher des morts les vivants en prière,
Le tintement du glas parlant d’éternité
Sème autour des tombeaux des gouttes de lumière...
R. MAUGER-KAUFFMANN.
Recueilli dans Anthologie de la Société des poètes français, t. I, 1947.