Le Lis vivant, ou l’Annonciation

 

                                                HYMNE

 

 

                           Ave, gratia plena.

                 Un Lis qui devient femme en restant Lis encor.

                                                           V. HUGO.

 

 

IL est une vallée, à mes yeux sans égale,

Où, près du vieux tilleul qu’arrose un pur ruisseau,

Enfant, je m’éveillais au chant de la cigale

           Qui se cachait sous mon berceau.

 

Que mes jours y coulaient pleins de charmantes choses !

Oh ! qu’il m’est doux, souvent, de rêver que je bois

Au calice des fleurs, dans la rosée écloses

           Sous la fraîche haleine des bois !

 

Le Lis ouvre à l’aurore, ainsi qu’une corbeille,

Sa corolle d’argent aux étamines d’or,

Où la brise se joue à balancer l’abeille,

           Qui s’enlève et se pose encor.

 

Mon doigt timide expie une audace enfantine,

Quand, tout petit, je veux, en allongeant la main,

Dans la haie odorante atteindre à l’églantine

           Qui s’effeuille sur le chemin.

 

Mais de quelque beauté que l’aube vous décore,

Fleurs, filles du matin, que le soir fait mourir,

Dans mon âme j’en vois une plus belle encore

           Et qui doit à jamais fleurir ;

 

Plus fraîche que la fleur de la fraîche aubépine,

Étoile épanouie au souffle matinal ;

Que la rose entrouvrant, à l’abri de l’épine,

           L’éclat d’un bouton virginal ;

 

Plus dure que le Lis dont la tunique blanche

Éclate aux longs baisers de la brise du ciel,

Et réfléchit dans l’onde un calice qui penche,

           Chargé de rosée et de miel.

 

Merveille de la terre, à la terre inconnue,

Souvent les Séraphins du haut des saints parvis

Descendent et, penchés sur les bords de la nue,

           La contemplent longtemps ravis.

 

Et l’œil voit rayonner, innombrables phalanges,

Dans l’azur entrouvert comme un rideau mouvant,

Des cercles infinis de blondes têtes d’Anges,

           Auréole du Lis vivant.

 

Le son des harpes d’or à leur voix se marie :

Un nom, de chœur en chœur jusqu’au ciel répété,

Se prolonge ; et ce nom, si beau, si doux : Marie !

           Fait tressaillir l’immensité.

 

Voilà qu’un messager de leurs rangs se détache

Et, rapide, déploie un vol mélodieux ;

Des Anges le plus beau devant le Lis sans tache

           Incline son front radieux.

 

Et se voilant d’une aile, il dit : « Je vous salue,

Pleine de grâce ! en vous est le Dieu trois fois saint.

Soyez bénie, ô Femme entre toutes élue,

           Comme le fruit de votre sein ! »

 

À ces mots : « Du Seigneur voici l’humble servante »,

L’Ange au divin séjour remonte plus joyeux ;

Et le Ciel applaudit, et l’Enfer s’épouvante,

           Et la Vierge baisse les yeux.

 

 

François MAURY.

 

Paru dans le Recueil de l’Académie

des jeux floraux en 1852.

 

 

 

 

 

 

 

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