Prière dans la douleur
Tu t’acharnes sur moi, Seigneur, comme un bourreau.
As-tu bien soupesé la croix dont tu m’accables ?
Un géant gémirait sous l’effrayant fardeau
Qu’impose à moi, chétif, ton Amour implacable !
Tu me sais lent à croire, inconstant à t’aimer,
Toi qui moulas mon cœur, tu sais comme il frissonne
De peur ou de désir au vent le plus léger,
Et que, farouche, il n’ose espérer en personne.
Et c’est moi que ton bras désigne à la Douleur
Pour qu’elle me garrotte et me ceigne d’épines,
Et me hisse au gibet entre les deux voleurs,
Et copie en ma chair ta Passion divine !
Insondable Sagesse, ah ! quels sont tes desseins ?
Tu choisis pour ton œuvre une bien pauvre argile.
Voilà pourtant des cœurs plus forts, voilà des saints :
Pourquoi leur préférer l’âme la plus fragile ?...
Je ne murmure point ; je tremble... et te bénis.
La palpitation de mon être qui souffre
S’accorde au rythme pur du cantique infini
Qui monte vers ton Nom des cimes et des gouffres.
Tu m’aimes : à l’Amour il me faut adhérer.
J’adore aveuglément ta bonté souveraine.
Je porterai ma croix. Et quand je faiblirai,
Toi-même tu seras mon Simon de Cyrène !
Camille MELLOY.
Recueilli dans Poètes de Jésus-Christ,
poésies rassemblées par André Mabille de Poncheville,
Bruges, Librairie de l’Oeuvre Saint-Charles, 1937.