Prière du pèlerin de Notre-Dame
Bonne Dame au cœur indulgent
Qui souris en ton sanctuaire
Parmi les ex-voto d’argent,
Prends en pitié mon cœur méchant !
J’ai prêté, – las ! – sans trop savoir,
Main-forte aux bourreaux qui tuèrent
Ton doux Fils !... Et le désespoir
Est sur moi comme un oiseau noir.
Mais j’ai vu qui, d’un pas pressé
S’en venaient vers Toi, par les routes
De la douleur, le dos cassé
Du lourd ballot de leur passé,
Et grelottants sous leurs haillons,
Pécheurs que leur péché dégoûte,
Le clerc Théophilus, Villon,
Tous les mendiants de pardon.
Ils m’ont accueilli défaillant
Dans leur cortège de misère,
Et j’ai pris, en les coudoyant,
Mon cœur plus humble et plus confiant.
Eux qui n’ont plus d’espoir en rien,
Ils t’appellent encor leur Mère :
Pour être absous, ils savent bien
Que nul placet ne vaut le Tien !
Les voici pauvres à tes pieds,
Tendant leur pitoyable offrande
Vers ta puissance et ta pitié
Qui s’appuient au Crucifié :
Tout leur avoir : crimes, remords,
Mais aussi leur foi toute grande,
Leur foi plus forte que la mort,
Et l’espoir humble qui en sort.
Avec eux, ô Vierge, je crois
– Quelque sombre que soit ma honte,
Si profond que mon crime soit –
Que nos douleurs montent, de droit,
Jusqu’à ton trône éblouissant,
Notre-Dame de tout le monde,
Qui disposes de tout le sang
De ton Jésus obéissant
Pour garder les cœurs innocents
Et pour laver les cœurs immondes !
Camille MELLOY, Poèmes pour prier les saints populaires.
Recueilli dans Nazareth,
Poèmes choisis en l'honneur de Notre-Dame,
par André Mabille de Poncheville,
Éditions Alsatia, Paris, 1949.