Rêve d’enfant
Il est vêtu de noir. Il est pâle. Naguère
Sa mère l’a quitté. Tous les siens sont proscrits.
Il grandit lentement, au sein du vieux Paris,
Dans une chambre étroite où le jour n’entre guère.
La nuit vient. Il est seul. Dans un cadre vulgaire
Un reflet, égaré sur le morne lambris,
Effleure le portrait d’un brave à cheveux gris
Tué jadis, à Metz, pendant la grande guerre.
L’enfant sourit au mort et se sent raffermi.
Il songe à l’avenir, et son rêve l’entraîne
Vers sa ville tombée aux mains de l’ennemi ;
Dans le ciel une étoile a lui, chaste et sereine,
Et le petit soldat, qui s’endort à demi,
Murmure une prière à Jeanne la Lorraine.
Francis MELVIL.
Paru dans L’Année des poètes en 1893.