Tristesse
Dédié à mon fils Camille
Dans une maison déserte
dans un coin perdu,
l’oiseau frappe sur une vitre nue...
Du gouffre de la guerre par la mort graciés
mes jours d’aujourd’hui,
ces jours si rêvés
languissent et se meurent
dans ce coin désert,
loin de ta fraîcheur, loin de ton sourire, ô Vie !
Parmi les visages sans regard, et les regards sans âme.
Et je cherche dans le vide autour de moi
la voix d’enfant qui m’appelle « maman »,
qui enchante mes yeux de sa grâce infinie,
telle une petite rose fleurie.
Comment t’abriter arbrisseau aimé
des orages en furie qui menacent ton rire ?
Devant l’autel des dieux inconnus
je courbe la tête dans une douce prière :
« Voulez-vous m’écouter, petit vent moqueur ?
Vous qui venez en dansant,
connaissez-vous la puissance
qui pourra protéger mon fils ?
Et vous rayons de soleil
qui fécondez la terre de votre bonté, ô
dites quel est le chemin
par où mûrit le grain,
pour monter vers Soi
dans la mystérieuse voie ? »
« Inspirez-moi, astres purs
vous qui contenez nos destinées,
il faut qu’il garde ses richesses innées,
sa foi d’enfant et son cœur innocent.
Personne ne sait échapper aux combats des humains,
mais on peut goûter la volupté de vivre
qu’ignore la pierre ou le cuivre.
Faites qu’il sache s’enivrer
d’une vivifiante rosée,
et trouver tendresse unique
où le chaos devient musique. »
Ma prière est finie
Autour le calme
Au-dessus l’Infini,
Et tu prends tant de place
Et tu es si petit !
Que Dieu te guide,
mon enfant, mon ami.
Hélène MÉNARD,
Que peut le vent qui nous gagne ?,
Éditions de la Revue moderne,
1974.