Vocation du poète
Je ne suis pas né au commencement de ce siècle.
Je suis né sur le plan de l’Eternel.
Je suis né de mille vies superposées.
Je suis né de mille angoisses dépliées.
Je suis venu pour connaître le mal et le bien
Et pour séparer le mal du bien.
Je suis venu pour aimer sans que l’on m’aime.
Je suis venu pour consoler les petits.
Je ne suis pas venu pour édifier ma propre richesse,
Ni pour détruire la richesse d’autrui.
Je suis venu pour refouler cette angoisse et ce deuil
Que les générations antérieures m’ont légués.
Je suis venu pour subir les influences du temps
Et pour affirmer le principe éternel d’où je vins.
Je suis venu pour jeter une pierre à Mammon.
Je suis venu pour dispenser aux muses l’inspiration.
Je suis venu pour annoncer que la voix des hommes
Étouffera la voix de sirène des machines,
Et que la parole substantielle de Jésus-Christ
Dominera la parole du patron et de l’ouvrier,
Je suis venu pour connaître peu à peu mon Créateur,
Car si je le voyais tout à coup je deviendrais aveugle.
Murilo MENDES.
Traduit par Armand Guibert.
Recueilli dans Anthologie de la poésie ibéro-américaine,
Choix, introduction et notes de Federico de Onis,
Collection UNESCO d’œuvres représentatives, 1956.