À une jeune fille
Enfant, vous êtes blonde et tout à fait charmante,
On dirait à vous voir, timide et rayonnante
Au milieu de vos sœurs,
Une royale fleur, de fleurs environnée,
Vermeille, et des parfums dont elle est couronnée
Épanchant les douceurs.
Vous riez bien souvent d’un ineffable rire ;
Tout ce que vous pensez vos yeux semblent le dire,
Vos beaux yeux bleus et doux !
Votre front est si pur qu’on y lirait votre âme,
Où l’ardente prière étend sa pure flamme,
Plus pure encore en vous !
Oh ! vous aimez beaucoup les fleurs et la prairie,
Les oiseaux et les vers, et puis la causerie,
Le soir, dans le jardin,
Lorsque près d’une amie à la tête qui penche,
Votre bras blanc passé sur son épaule blanche
Et la main dans sa main ;
Vous parlez bien souvent d’amitiés éternelles,
Du ciel qui réunit les âmes fraternelles,
Qu’il sépare ici-bas ;
Et lorsque vous voyez une étoile qui tombe,
Vous dites : « Le Seigneur vient d’ouvrir une tombe »,
Et vous pressez le pas.
Mais vous aimez surtout la musique et la danse ;
Votre cœur tout entier vers le plaisir s’élance
Et bondit avec vous ;
Nul souci n’a passé sur le front, sur la vie
De l’enfant qui sourit et qui nous fait envie,
Hélas ! à presque tous !
Le bonheur est partout lorsque l’on a votre âge,
Enfant ! Mais rien ne peut arrêter au passage
Votre printemps d’amour.
La. jeunesse et la joie ont des ailes pareilles ;
Chacun prend une fleur dans leurs fraîches corbeilles
Et la fane à son tour.
Quand on pense qu’un jour ce front pur, cette bouche
Si fraîche encor qu’à peine un sourire la touche,
Changeront de couleur ;
Que le Temps sans pitié, sur ces traits que l’on aime,
Viendra passer sa main, on ressent en soi-même
Une amère douleur.
Et pourtant il le faut ; c’est ainsi qu’est la vie :
Toujours l’heure qui suit d’un regret est suivie ;
Depuis le gai matin,
Jusqu’au soir, où, marchant sans trouble et sans prestige,
On voit que bien souvent la fleur manque à la tige,
Le convive un festin.
Marie MÉNESSIER-NODIER.