Pour endormir ma fille
Tous les petits oiseaux du bois
Ont caché leur tête à la fois
Sous leur aile ;
Tous les petits enfants aimés
Ont éteint de leurs yeux fermés
L'étincelle.
Les marguerites dans les prés,
Les alouettes dans les blés,
Tout repose
Et dort maintenant comme vous,
Ô mon oiseau joyeux et doux,
Ô ma rose.
Mais ce pauvre nid suspendu
Mal protégé, mal défendu,
Se balance ;
Les petits oiseaux effrayés
Que le vent froid a réveillés
Font silence.
Car leur mère, ô ma belle enfant,
Ce matin, d’un vol triomphant,
S’est sauvée.
Cherchant tout le long du chemin
De quoi nourrir encor demain
Sa couvée.
Puis un faucheur qui revenait,
Tandis qu’au champ elle glanait,
L’a surprise,
Gémissant sur son cher trésor
Abandonné si frêle encor
À la bise.
Près du petit nid isolé,
Tout refroidi, tout désolé,
Le vent gronde.
Moi, je rêve, et je dis : Hélas !
Mon Dieu, ne me retirez pas
De ce monde,
Car vous m’avez aussi donné
Un enfant, trésor couronné
De tendresse ;
Et si votre main la défend,
C’est moi dont l’amour triomphant
La caresse.
C’est moi qui baise son sommeil,
C’est moi qu’elle trouve au réveil
Éveillée ;
Bientôt pourtant si je mourais,
De ce cœur léger je serais
Oubliée.
Ingrats qui nous font tant souffrir,
Toujours trembler, souvent mourir
Avant l’heure,
Vous oubliez vite un trépas,
Anges sereins qui n’aimez pas
Quand on pleure.
Ainsi vont toutes mes chansons
S’accrochant aux plus noirs buissons
Par les ailes,
Et ramenant parmi les fleurs
Les nids perdus, et les douleurs
Maternelles.
Marie MÉNESSIER-NODIER.