Le Christ mutilé d’Arvillers

 

 

Quand l’église, croulant sous les obus infâmes,

Entassait ses débris sur l’autel profané,

Lui, le bon Christ français, n’a pas abandonné

Le poste de souffrance où pour sauver les âmes,

Son sang divin depuis deux mille ans a saigné.

 

Plus meurtri qu’il ne fut sur le bois de torture

Quand son corps ne gardait presque rien d’humain,

Le Christ est amputé des deux bras, et ses mains

Ne tendent plus au ciel leurs augustes blessures,

Ils ont broyé ses mains aussi, ses douces mains !

 

Pourtant il reste là. Pourtant il vit encore ;

Sa poitrine se gonfle, et l’on y sent toujours

Son grand cœur palpitant d’un invincible amour...

... Ô Christ sans bras, c’est toi qu’il faut que l’on adore

Et qu’il faut qu’on supplie en ces terribles jours.

 

C’est toi le grand souffrant qui sait notre souffrance !

Blessé mystérieux, accorde ta pitié

Et ton aide à tous ceux dont le corps est broyé,

Et qui, pour achever le salut de la France,

Sur un lit de douleur gisent crucifiés !

 

Soutiens les moribonds dont la lente détresse

Après un dur combat crie en un champ désert,

Ils appellent en vain, hélas ! leurs êtres chers,

Ils ne recevront pas leur suprême caresse,

Et, morts, nul ne clora leurs yeux restés ouverts.

 

Au nom du saint amour dont tu chéris ta mère,

Au nom de l’abandon où tu fus sur la croix,

Quand tu trouvas le ciel insensible à ta voix,

Ne permets pas qu’aucun de ceux-là désespère

Et succombe en doutant et du ciel et de toi !

 

Et puis, prends en pitié ceux et celles qui pleurent...

Ô divin mutilé, sois secourable à ceux

Qui, l’âme déchirée, et le cœur douloureux,

Garderont désormais, et jusqu’à ce qu’ils meurent,

L’affreux déchirement d’un être arraché d’eux.

 

 

 

Louis MERCIER, Les Pierres Sacrées.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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