Caelestis Urbs Jerusalem

 

 

Église des élus. Basilique éternelle,

Que l’apôtre saint Jean vit descendre des cieux

Belle et parée ainsi qu’une épouse nouvelle !

 

Demeure de beauté, Temple mystérieux,

Tabernacle d’amour, Maison d’or, Tour d’ivoire,

Édifice parfait que le ciseau de Dieu

 

Dans les âmes des saints a taillé pour sa gloire,

Quelle langue pourrait bégayer tes splendeurs ?

Ah ! l’homme sait encor parler du purgatoire ;

 

La souffrance des morts ressemble à nos douleurs

Et la plainte aisément sur nos lèvres abonde.

Puis si le mot expire, il nous reste les pleurs.

 

Mais la joie inconnue, ineffable et profonde

Submergeant l’être humain de son éternité,

Mais l’immense bonheur dont une âme s’inonde,

 

Et se gorge sans trouble et sans satiété,

Mais la béatitude et l’ivresse plénières

Du désir jamais las et toujours contenté !

 

Mais la lumière, et la lumière, et la lumière

Qu’on respire, qu’on boit et dont on fait son pain ;

Mais l’esprit qu’enferma si longtemps la matière

 

Luttant d’un vol égal avec le séraphin ;

Mais Dieu même étreignant son humble créature,

Et la déifiant de son baiser divin !

 

Ah ! Seigneur, nous savons que la parole obscure

Qu’exhalent ici-bas nos poumons pleins de vent,

Ne peut rien exprimer de ces voluptés pures.

 

Nous ne demandons pas, ô Maître des vivants,

D’entrevoir, même en songe, une image fugace

Des splendeurs dont tu vêts les élus triomphants.

 

Nous savons qu’un rayon échappé de ta face

Briserait le miroir fragile de nos yeux

Créés pour réfléchir le seul monde qui passe.

 

Si tu nous entr’ouvrais la porte de tes cieux,

Et que nous puissions voir, un instant, la fournaise

Où, plongés dans l’amour, flamboient les bienheureux,

 

Nous savons qu’arrachée à la chair qui lui pèse,

Notre âme se perdrait au gouffre des élus,

Et brûlerait pareille à l’encens sur la braise.

 

Mais l’espoir où souvent notre cœur s’est complu,

Mais ce qui nous ferait le mieux sentir, Peut-être,

Le mystère effrayant du bonheur absolu :

 

Ce serait, ce serait, Seigneur, de nous permettre

De voir, un jour, avec certitude, et de près,

De voir avec nos yeux de vivants, apparaître

 

La face d’un élu qui nous reconnaîtrait,

Que nous aurions aimé lorsqu’il était sur terre,

Et dont nous saurions lire, à livre ouvert, les traits.

 

Oh ! voir, et contempler, quand il devrait se taire,

Et ne rien révéler de plus que sa clarté,

Contempler dans la paix que rien d’humain n’altère,

 

Votre visage, ô morts qui nous aviez quittés

Hagards et dévastés comme un champ de bataille

Où la vie et la mort ont durement lutté !

 

Vos traits diraient l’amour dont votre âme tressaille,

Et vos yeux émouvants nous découvriraient mieux

Que la langue incertaine et le mot qui défaille

 

Tout ce qu’on peut savoir des délices de Dieu !

 

 

 

Louis MERCIER, Les Pierres sacrées,

Calmann-Lévy.

 

 

 

 

 

 

 

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