Laus herbarum

 

 

                                             À Alphonse Germain.

 

 

Bénissons l’Herbe, fille aimante de la Terre

Qui jette son manteau sur le corps de sa mère,

 

Qui, pour que le Printemps soit salubre et joyeux,

Souffre, pendant l’hiver, des maux mystérieux.

 

Bénissons-là d’aimer l’Homme qui la dédaigne

Et sous les pieds de qui son cœur fragile saigne.

 

Louons-la d’être belle et souple comme l’eau

Et plus frêle que les ramures du bouleau.

 

Louons-la de suspendre à sa tige inquiète

La goutte de rosée où l’aube se reflète.

 

Des portes du matin à celles du couchant

Bénissons-la de son silence et de son chant.

 

Glorifions le riche arôme qu’elle épanche

Sous le fer de la faux méchante qui la tranche.

 

Bénissons l’Herbe dans ses bienfaits. Bénissons

Ses sucs où se nourrit la laine des toisons.

 

Bénissons-la dans la richesse des mamelles

Qui font d’un pas plus lent cheminer les agnelles.

 

Bénissons-la dans la douceur du lait meilleur

Que les vins de la vigne et les miels de la fleur.

 

Louons-la dans les bœufs, patients et superbes,

Qui creusent les sillons pères des nobles gerbes.

 

Bénissons l’Herbe dans les nids et les berceaux,

Dans le ramage des enfants et des oiseaux.

 

Vivants, bénissons-la de sa fraîcheur qui tombe

Sur le sommeil de ceux que possède la tombe...

 

Et gloire à Dieu qui, pour les bons et les méchants,

Fait, sous le pur soleil, croître l’herbe des champs.

 

 

 

Louis MERCIER.

 

Paru dans L’Ermitage en 1897.

 

 

 

 

 

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