Prière de la femme enceinte

 

 

 

MON Dieu, mon Père, qui, par ta puissance et providence, as formé l’enfant que je porte en mon ventre, préserve-moi durant ma grossesse de blessures et dangereux inconvénients, comme aussi d’envies étranges et extravagantes, qui laissent des impressions difformes aux enfants. Et quand le temps sera venu, allège mes douleurs, donne-moi force pour les supporter. Fais-moi la grâce que le sentiment d’icelles me remémore l’affliction à laquelle tu m’as assujettie dès le commencement, en la personne d’Ève, notre Mère... afin que je haïsse de plus en plus le péché qui est cause de tant de malheurs...

Mais puisque toutes choses tournent en biens à ceux qui t’aiment, je suis aussi assurée que ces douleurs-là me tourneront à bien, au milieu desquelles tu me donneras, s’il te plaît, vigueur pour enfanter. Ô Éternel, tes yeux sont ouverts au temps que les chamois des rochers font leurs petits ; tu observes quand les biches faonnent, tu comptes les mois de leur portée et sais le temps qu’elles font leurs petits ; Tu échauffes les œufs que l’autruche cruelle laisse sur le sable et donnes force aux petits qui sont dedans pour en sortir : à plus forte raison, ô mon Dieu, tu auras pitié et souvenance de moi, qui suis ta chambrière et ta fille, à qui tu as donné une âme raisonnable et qui m’as donnée à ton Christ, et en lui l’assurance de la vie éternelle. Sois donc toujours avec moi et ne m’abandonne, afin qu’étant heureusement délivrée, je te puisse rendre louanges et actions de grâces, et me réjouir, voyant qu’une créature humaine est née au monde. Mais si, ô mon Dieu, ton vouloir est de me retirer en l’enfantement des misères de ce siècle, comme il est arrivé autrefois à Rachel, femme de ton serviteur Jacob, fais-moi la grâce en tel cas que, joyeuse et contente, je laisse ces bas lieux pour aller à toi. Que si, moi étant préservée et l’enfant vient à expirer dès la matrice, fais-moi la grâce que j’adore tes jugements, tous remplis d’équité, reconnaissant que l’enfant aura plus tôt achevé sa course pour ne point voir ce siècle mauvais, mais pour sentir son âme recueillie de bonne heure en la gloire céleste. Exauce-moi, ô mon Dieu.

 

 

Le pasteur Merlin (XVIIe siècle),

dans: Le bouquet d’Éden ou recueil

des plus belles prières et méditations,

Hanau, 1673.

 

Recueilli dans Devant Dieu,

anthologie de la prière chrétienne,

par Pierre Richard et Bernard Giraud,

Éditions Xavier Mappus, 1948.

 

 

 

 

 

 

 

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