La bonne pluie

 

 

C’est la pluie, comme un frais pardon,

Sur la route qui poudroie au soleil,

Et parmi les jardins de ce printemps vermeil,

C’est le tintement clair des gouttes qui font

Des ronds dans l’eau glauque des citernes.

 

Sur les collines les nuages roses cernent

Amoureusement le léger horizon

Comme des lèvres humides d’anges.

Et le passant chante sur la route,

Car cette pluie ne laissera pas de fange

 

Au carrefour où hésite son doute,

Et le laboureur pousse la charrue,

Le dos rond sous la chaude averse

Qui fait gonfler les mottes drues,

Et le malade auprès de la fenêtre,

Que le bruit de l’eau dans les arbres berce,

Sent l’âme en sa chair renaître.

 

C’est la bonne pluie bénie de Dieu

Qui rafraîchit la nuque du vagabond ;

C’est la bonne pluie du paradis des cieux

Qui féconde l’œuvre du tâcheron ;

C’est la bonne pluie qui fait rire les yeux

De ceux qui savent qu’ils mourront.

 

Et voici le signe de l’arc-en-ciel

Sur les maisons jaunes du village,

D’où les enfants, avec des corbeilles,

Sortent ensemencer, graves et sages,

Les jardinets où butineront les abeilles.

Et sous le signe de l’arc-en-ciel,

Chantant les floraisons proches,

Sonnent au crépuscule les cloches.

 

 

 

Stuart MERRILL, Les Quatre Saisons.

 

 

 

 

 

 

 

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