Chanson

 

 

Lorsque la pluie (chante la lumière), la pluie a dévoré ma maison

Et que le vent traverse mes arbres,

Les cèdres caressent l’orage de leurs grandes pattes.

Le silence est plus bruyant qu’un cyclone

Contre la porte grossière, mon refuge.

Et là je mange seul mon air frais

Parmi les chansons solitaires et pures.

 

D’autres cependant tiennent conférence.

Leurs fenêtres s’affligent, et bientôt se renfrognent ;

Puis la vitre se ride sous l’eau qui abonde ;

Bientôt je ne les vois plus parler,

Et ils ne connaissent plus mon jeu.

 

Les fleuves habillent leur maison

Et cachent leur sagesse nue.

Les propos

Sombrent dans les profondeurs comme des sous-marins ;

Submerge-les ! avec leurs pâles expressions dans ma tempête.

 

Mais je bois la pluie, je bois le vent,

Distingue les poèmes

Qui montent en bouillant de la froide forêt ;

Je lève dans le vent mes yeux pleins d’eau,

Et mon visage, et mon esprit pour m’en rafraîchir librement.

 

Ainsi je vis sur ma terre à moi, mon île à moi,

Et je parle à Dieu, mon Dieu, sous la porte

Lorsque la pluie (chante la lumière), la pluie a dévoré ma maison

Et que le vent traverse mes arbres.

 

 

 

Thomas MERTON.

 

Recueilli dans Anthologie de la poésie américaine,

par Alain Bousquet, Stock, 1956.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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