Le ciel
Voyez l’espace immense où des astres sans nombre,
Ceux que pendant la nuit sur nos fronts nous voyons
Briller, comme un semis de diamants, dans l’ombre,
Et ceux dont aucun œil n’a perçu les rayons,
Se balancent, suivant des règles inflexibles,
Sans jamais se croiser, sans se heurter jamais,
Et voguent, radieux, dans les éthers paisibles
Dont les flots transparents n’ont ni fonds ni sommets.
De ces champs infinis parcourez la carrière !
Volez vers le zénith, volez vers le nadir,
Empruntant la vitesse au rayon de lumière,
Et vous verrez toujours des soleils resplendir,
Et vous verrez toujours, par-delà tous ces mondes
Dont le nombre confond l’esprit épouvanté,
Astres aussi nombreux, voûtes aussi profondes,
Sans trouver une borne à cette immensité.
C’est le gouffre sans fond, l’abîme infranchissable...
Le bord n’est nulle part, partout est le milieu ;
L’astre énorme y paraît un petit grain de sable ;
C’est le seul temple où puisse être contenu Dieu.
Il n’a ni fondements, ni voûtes, ni pilastres ;
Aucun mur de granit n’y comprime l’essor ;
Tout y vit, tout s’y meut, les esprits et les astres ;
Les constellations en sont les lustres d’or.
Tous ces astres, doués de forces attractives,
S’équilibrent entre eux, par eux seuls soutenus,
Et vont, vaisseaux de feu, sur une mer sans rives,
Porter leurs passagers vers des ports inconnus.
La terre a pour voilure une atmosphère bleue ;
Le soleil des rayons dont l’œil est ébloui ;
La comète déploie une effrayante queue
Et trace dans l’éther un sillage inouï ;
Saturne a des anneaux semblables à la roue
D’un steamer échoué dans l’Océan sans bords ;
La lune un croissant d’or sur sa poupe ou sa proue,
Et des taches qui font songer à des sabords...
Mais qui pourra franchir ces hauteurs infinies
Ou descendre dans ces immenses profondeurs,
Des cieux inexplorés dire les harmonies,
Des astres inconnus révéler les splendeurs ?
Les uns sont des foyers de lumière ; les autres
Ont leur sein recouvert d’étranges floraisons
Qu’on ne peut comparer en rien avec les nôtres,
Quels qu’en soient les climats, les zones, les saisons.
Et chacun est un monde où s’agitent des êtres,
Avec leurs passions et leurs instincts divers,
Naissant, mourant, ayant des fils et des ancêtres...
Car tout se renouvelle en ce vaste univers.
Là tout travaille, tout s’agite, tout fermente :
L’esprit a le désir et le corps a la faim.
Ce n’est pas la paix, mais l’incessante tourmente,
Ce n’est pas le sommeil, mais le travail sans fin.
Le vrai ciel est sans forme et sans architecture.
Il n’est pas lieu lui-même et contient chaque lieu.
C’est ce corps infini qu’on nomme la nature,
Et chaque astre est un cœur où l’on sent battre Dieu.
Louis METGE.
Recueilli dans Poésies de l’Académie
des muses santones, 11e volume, 1888.