Néant
Néant, que serais-tu sinon l’inconnaissable,
L’un de ces deux aspects du mystère insondable
Qui nous fut révélé par l’Esprit ! Et pourtant
Tu restes synonyme de l’inexistant.
Tout est sorti de toi, toute chose y retourne
Et rien ne se perdra dans le vide où séjourne
Le mortel délivré du fardeau de la chair,
Ce fardeau qui lui vaut le ciel ou bien l’enfer !
Avant de naître et de vibrer dans la nature
Selon la loi d’instinct propre à la créature,
L’âme était en puissance en ton rêve absolu
Et tu la reprendras, un jour, pour son salut.
Néant, que serais-tu sinon l’ombre passive
Où le germe, dormant, attend la forme active
Qu’à l’heure du destin lui donnera son Dieu,
Le sommeil de la tombe ou le pardon des cieux,
Un cycle qui finit, un autre qui commence...
Non, certes, tu n’es point un éternel silence ;
Si ton empire inclut le Styx et l’Achéron,
Le Tout-Puissant régit l’atome et l’électron.
Empire ténébreux de mort et d’épouvante,
Il faut, pour t’aborder, que l’âme se repente ;
Ton domaine est de ceux que l’on n’explore pas
Avec nos errements et nos yeux d’ici-bas !
Néant, ne serais-tu qu’un vain mot, qu’une image,
Qu’un abîme sans fond, de la vie un barrage,
Une porte fermée au seuil de l’Au-delà ?
Non, certes, tu ne peux signifier cela !
Et puisque tu n’es rien sinon que rhétorique,
Je me détournerai de ton masque tragique ;
Je lèverai les yeux, j’affermirai mon cœur,
J’écouterai la voix du silence vainqueur
M’apporter un écho de cette foi solide
Que j’avais au temps de ma jeunesse candide
Et je repousserai les pensers décevants
Car l’Éternel, mon Dieu, c’est le Dieu des vivants.
Alphonse MEX.
Recueilli dans : Maurice Delorme, Le Blason des Poètes,
Anthologie du Syndicat des Journalistes et Écrivains,
Éditions de la Revue moderne, 1965.