Sourire
Sans maudire le monde et sans blasphémer Dieu,
Il porte un deuil profond qui jamais ne s’épanche :
Si le sort dans son cœur a planté son épieu,
S’il a souffert, il fait le bien, – c’est sa revanche.
Triste et bon. – Ce matin, je l’ai vu rire... un peu,
Timide expansion ni durable ni franche,
Semblable à ce soleil qui, sur la neige blanche,
Par un jour froid d’hiver luit du haut du ciel bleu.
Il l’éclaire : il ne peut l’échauffer ni la fondre,
– Je le félicitais : quoi ! gai ! – Lui, sans répondre,
Fixa les yeux sur moi pendant quelques instants,
Et son regard si doux semblait vouloir me dire :
« Il faut plus d’un oiseau pour faire le printemps
Et pour faire la joie il faut plus d’un sourire ! »
Achille MILLIEN.
Paru dans L’Année des poètes en 1890.