Prière matinale d’Adam et Ève
Tu as créé cette splendeur, Source du bien,
Tout-puissant ; l’Univers tout entier est ton œuvre
Admirable ; et combien admirable toi-même !
Ineffable, trônant au-dessus de ce Ciel,
Invisible à nos yeux ou vu obscurément
Dans ta création la plus basse ; pourtant
Elle dit ta suprême bonté, ta puissance ;
Parlez, vous qui savez le mieux, Fils de lumière ;
Anges, car vous le contemplez, et de vos chants,
Et de vos chœurs, au long de ce jour éternel,
Joyeux, vous l’entourez ; ainsi que vous au Ciel,
Que tous les êtres ici-bas chantent ensemble
Lui premier, lui dernier, au milieu et toujours.
Astre si beau fermant l’escorte de la Nuit,
Si tu n’appartiens pas plus justement à l’aube,
Gage certain du jour qui couronnes l’aurore
De ton orbe brillant, chante-le dans ta sphère
Au jour levant, à l’heure douce du matin.
Soleil, âme et regard de ce vaste univers,
Reconnais-le plus grand que toi ; dis sa louange
Dans ta course incessante, et gravissant le ciel,
Et le sommet atteint, et lorsque tu déclines.
Lune qui tantôt vas au-devant du soleil,
Tantôt le fuis avec les astres fixes – fixes
Dans leur sphère mouvante ; et vous, cinq feux errants
Qui dansez, en chantant, votre ronde mystique,
Faites retentir sa louange, puisqu’il a
Des Ténèbres tiré la lumière. Éléments,
Air, vous, les premiers-nés de la Nature,
Qui tous quatre courez, cercle perpétuel,
Et vous mêlez, nourrissant tout, que vos multiples
Formes louent qui nous fit d’éloges variés.
Brouillards, exhalaisons, vous qui de la colline,
Du lac fumant, vous élevez, sombres ou gris,
Avant que le soleil dore vos bords laineux,
Montez en l’honneur du grand Créateur du Monde,
Ou pour couvrir de vos vapeurs le ciel limpide,
Ou retomber en pluie agréable à la Terre ;
Montant ou descendant, entonnez sa louange.
Louez-le, Vents, soufflant des quatre coins du ciel,
Doux ou bruyants ; et faites onduler vos cimes,
Vous, pins, et toute plante, en hommage ondulez.
Sources, et vous ruisseaux dont le courant gazouille
Mélodieusement, gazouillez sa louange.
Joignez vos voix, vous tous êtres vivants – oiseaux,
Qui montez en chantant jusqu’aux portes du Ciel,
Que vos ailes, vos chants soutiennent son éloge ;
Vous qui glissez dans l’onde, et vous qui sur la terre
Avancez ou majestueux ou rampants,
Voyez si je me tais le matin ou le soir
Aux monts, au val, à la fontaine, aux frais ombrages
Prêtant ma voix, et leur enseignant sa louange.
Salut, Maître de l’Univers, sois généreux
Et ne nous donne que le bien ; et si la nuit
A nourri quelque mal ou l’a dissimulé,
Chasse-le comme la lumière les ténèbres.
John MILTON, Le Paradis Perdu.
Traduction de L. CAZAMIAN,
Anthologie de la Poésie anglaise.