Jeanne d’Arc
FRAGMENT
Ô Jeanne ! Ô prodige ! Ô lumière !
Étincellement du passé,
Enfant, vierge, et pourtant guerrière,
Sauveur pourtant martyrisé !
Ô vestale du grand symbole,
Héroïne qui fus idole
Et dont le mystique regard
Conduisait par les chevauchées
Toutes les gloires attachées
À la hampe d’un étendard !
Ce qui te sacre, te couronne,
Ce qui sanglote dans nos cœurs,
Ce n’est pas le frisson que donne
L’avènement des jours vainqueurs ;
Tu ne serais que glorieuse
Sous l’auréole radieuse,
Si tu n’avais que tes combats,
Puisque chaque siècle nous crie
Que l’honneur est notre patrie
Et qu’un tel pays ne meurt pas !
Non ! non ! ce qui te divinise,
Ce qui te bénit parmi nous
C’est ta grâce qu’on martyrise,
C’est ta candeur mise à genoux !
C’est de n’être plus qu’une femme,
C’est de n’avoir plus que ton âme,
Au déclin de ta mission ;
C’est ton sublime sacrifice,
C’est d’avoir reçu le supplice
Pour prix de la rédemption !
Jules MINET.
Paru dans L’Année des poètes en 1891.