Gouttes de fiel

 

 

Ne chante pas : il reste toujours

collé sur ta langue

un chant : celui qu’il eût fallu délivrer.

 

Ne baise pas : il reste toujours,

par une étrange malédiction,

le baiser que les entrailles n’atteignent pas.

 

Prie, prie, il est doux ; mais sache

que ne peut dire ta langue avare

le seul Pater qui te sauverait.

 

N’appelle pas la mort pour sa clémence,

car dans les chairs d’une blancheur immense

un vif lambeau demeurera, pour sentir

la pierre qui t’étouffe

et le ver vorace qui dénoue tes tresses.

 

 

 

Gabriela MISTRAL, Désolation, 1926.

 

Recueilli dans Introduction à la poésie ibéro-américaine,

Présentation et traduction par Pierre Darmeangeat

et A.D. Tavares Bastos, Le Livre du Jour, Paris, 1947.

 

 

 

 

 

 

 

 

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