Ô Saintes, belles marinières...
Ô Saintes, belles marinières,
Qui avez choisi nos marécages
Pour y élever dans l’air la tour et les créneaux
De votre église blonde,
Comment fera, dans sa barque,
Le marin, quand la mer frappe,
Si promptement vous ne lui envoyez votre bonne brise ?
Comment fera la pauvre femme aveugle ?
Ah ! il n’est sauge ni bugle
Qui puisse guérir son lamentable sort
Et, sans mot dire, tout le jour elle reste
À repasser sa triste vie...
Ô Saintes, rendez-lui la vue,
Car l’ombre, et toujours l’ombre, c’est pire que la mort !
Reines de Paradis, maîtresses
De la plaine d’amertume,
Vous comblez, quand il vous plaît, de poissons nos filets
Mais à la foule pécheresse
Qui à votre porte se lamente
Ô blanches fleurs de nos landes salées
Si c’est la paix qu’il faut, de paix emplissez-la !
Frédéric MISTRAL, Mireille, chant XII.