Saintes Maries

 

 

Saintes Maries

Qui pouvez en fleurs

Changer nos larmes

Inclinez vite l’oreille

Devers ma douleur !

 

Quand vous verrez, hélas !

Mon tourment

Et mon souci,

Vous viendrez de mon côté

Avec piété.

 

Je suis une jouvencelle

Qui aime un jouvencéau,

Le beau Vincent !

Je l’aime, chères Saintes,

De tout mon cœur.

 

Je l’aime ! Je l’aime

Comme le ruisseau

Aime de couler,

Comme l’oiseau dru

Aime de voler.

 

Et l’on veut que j’éteigne

Ce feu nourri

Qui ne veut pas mourir !

Et l’on veut que je torde

L’amandier fleuri !

 

Ô Saintes Maries

Qui pouvez en fleurs

Changer nos larmes,

Inclinez vite l’oreille

Devers ma douleur !

 

De loin je suis venue

Chercher ici la paix

Ni Crau, ni landes,

Ni mère émue

Qui arrête mes pas !

 

Et du soleil qui darde

Ses clous

Et ses épines

Je sens les rayonnances

Qui poignent mon cerveau.

 

Mais, vous pouvez me croire !

Donnez-moi Vincent

Et gais et souriants

Nous viendrons vous revoir

Tous deux ensemble.

 

Le déchirement de mes tempes

Alors cessera :

Et de tant de larmes

Mon regard maintenant inondé

Luira de joie.

 

Mon père s’oppose

À cet accord ;

De toucher son cœur

Ce vous est peu de chose,

Belles Saintes d’or !

 

Bien que dure soit

L’olive, le vent

Qui souffle à l’Avent

Néanmoins la mûrit

Au point qui convient.

 

La nèfle, la corme

Si acerbes, quand on les cueille,

Qu’elles font tressaillir,

C’est assez d’un peu d’herbe

Pour les ramollir.

 

Ô Saintes Maries,

Qui pouvez en fleurs

Changer nos larmes,

Inclinez vite l’oreille

Devers ma douleur !

 

 

 

Frédéric MISTRAL, Mireille, chant X.

 

 

 

 

 

 

 

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