Voici l’hiver
Adieu les jours sereins, adieu les douces brises,
Adieu les longs soleils et les beaux arbres verts !
Voyez le pâle automne avec ses teintes grises,
Ses brumes dont les bois et les monts sont couverts.
Adieu les frais gazons, les longues promenades,
Les mystères des bois sous les épais rameaux,
Et les festons fleuris sur le bord des cascades,
Les mille bruits dans l’herbe et le chant des oiseaux !...
Voici, voici l’hiver avec son froid cortège ;
Les frimas vont couvrir les arbres de cristaux ;
L’aquilon, soulevant des tourbillons de neige,
Aux portes va siffler et peindre les vitraux.
Puis viendront les longs soirs, les longs soirs de décembre,
Qu’éclaire le sapin qui flamboie au foyer ;
C’est alors qu’il fait bon dans l’air chaud d’une chambre,
Mais c’est alors aussi que nous devons prier,
Prier pour l’humble toit où la bise trop forte
Pénètre et va glacer les pauvres mal vêtus,
Où l’hiver se tient là debout devant la porte
Et dit au pain du jour : N’entre plus, n’entre plus !
Prier pour cet enfant à l’air timide et tendre
Qui brave en son chemin la neige et le brouillard,
Demandant, d’une main qu’il lui coûte de tendre,
Un secours pour son père, infortuné vieillard ;
Pour ce pauvre honteux qui supporte en silence
Les soucis accablants et peut-être la faim,
Et qui cherche à voiler toute son indigence
Sous un air satisfait et sous un front serein ;
Prier pour tout besoin, pour tout être qui souffre
Et se plaint de l’hiver, longue et dure saison ;
Pour ce que la misère, immense et sombre gouffre,
Entraîne chaque jour dans sa triste moisson !
Octobre, 1856.
Louis MONNET.
Recueilli dans Les poètes vaudois
contemporains, par A. Vulliet, 1870.