La merveille du mont Saint-Michel

 

 

                                         I

 

            Dominant la grève traîtresse,

            Et les remparts du Mont sacré,

            Que le flot sonore et nacré

            Tour à tour insulte ou caresse,

 

            Palais, église ou forteresse,

            Harmonieux, démesuré,

            Sur le grand vertige azuré

            De la mer, un géant se dresse.

 

            Œuvre de force et de beauté,

            Il nous vient d’un âge enchanté

            Où l’Art endormi se réveille,

 

            Et les siècles nous ont laissé,

            Avec ce témoin du passé,

            Son nom rayonnant : la Merveille.

 

 

                                          II

 

En bas, des visions de captifs, de geôliers,

D’inutiles appels et d’attentes trompées,

Flottent dans un lieu sombre, où luit, par échappées,

Le mobile reflet des eaux et des voiliers.

 

Plus haut, l’on sent passer un souffle d’épopées

Sous l’ogive profonde, entre les fiers piliers

De la salle où sonnait le pas des chevaliers,

Où jaillissait l’éclair des yeux et des épées.

 

Et tout en haut sourit le cloître, ouvert aux ci eux.

Mystique symphonie au chant silencieux,

Blanc jardin de granit arrosé de lumière...

 

Ainsi monte, de l’âme à Dieu, de l’ombre au jour,

Fondé sur l’Espérance, achevé dans l’Amour,

Le temple de la Foi, bâti par la Prière.

 

 

 

Louis MONOD.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1892.

 

 

 

 

 

 

 

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