À un savant
Tu dis : « Dieu, s’il existe, a tout fait en créant
« Deux ou trois grandes lois, puis un peu de matière.
« La personnalité naît et meurt toute entière ;
« Je viens d’une cellule et je vais au néant.
« La Science est en marche, et ce guerrier géant
« Conquiert à la Pensée un pays sans frontière. »
– Mais il est des moments où ta Science altière
S’attarde et rêve, au bord du Mystère béant.
Ton incrédulité se heurte au grand Problème.
L’Inconnu t’enveloppe, il s’affirme en toi-même,
Et déjà, dans ta nuit, voici poindre le jour ;
Déjà, tout en niant ce que la Foi devine,
Tu crois à ta raison, cette flamme divine,
Et tu crois à ton cœur, ce miracle d’amour.
Louis MONOD.
Paru dans L’Année des poètes en 1891.