Un souvenir de Saint-Lazare

 

À Madame d’Abbadie.

 

 

Elle avait les yeux secs, la belle prisonnière ;

Rien ne pouvait fléchir sa farouche fierté :

Prêcher la repentance à l’orgueil révolté,

C’est chapitrer un loup qui défend sa tanière.

 

Une femme de bien s’y prit d’autre manière.

Sur le seuil du cachot mainte fois visité :

« Marthe, voici pour vous », dit-elle avec bonté,

Tenant dans sa main blanche une fleur printanière.

 

Et Marthe, ayant saisi la rose, la baisa ;

Et sa voix se fit douce, et son œil s’apaisa :

« Oh ! l’exquise fraîcheur ! le parfum délectable !

 

« Ma mère en cultivait... là-bas... sous le ciel bleu...

« Merci, Madame » ... Alors le cœur dur, indomptable,

Se fondit en prière, et pleura devant Dieu.

 

 

 

Théodore MONOD.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1890.

 

 

 

 

 

 

 

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