Oiseau et fleur

 

                        Envoi à Mme P. Fournes.

 

 

L’oiseau disait à la fleur :

– Je m’envole dans l’espace,

Et te laisse, pauvre sœur,

             Sur place.

 

Hélas ! tu ne peux savoir

Combien nos routes sont belles,

Et comme c’est doux d’avoir

             Des ailes !

 

L’air, l’espace illimité

N’ont rien qui ne m’appartienne,

Et toute l’immensité

             Est mienne.

 

Je plane et je vois en bas

Sur cette terre où nous sommes

Les humains et leurs combats

             D’atomes.

 

De mon poste aérien,

D’où je contemple la foule,

Le globe est à peine un rien

             Qui roule !

 

Lorsque dans les cieux couverts

Tout les éléments font rage

Je passe libre à travers

             L’orage.

 

Je vais aux pays lointains

Fier et sans que rien m’arrête,

Mais en partant, je te plains,

             Pauvrette !

 

La fleur répondit : – Adieu !

À sa volonté soumise

Je vis où la main de Dieu

             M’a mise.

 

Les rêves que tu poursuis

Ne sont pour moi qu’un problème ;

Pourquoi changer ? Où je suis

             L’on m’aime.

 

Quand elle tord parfumés

Les plis mouillés de sa robe,

Je bois les pleurs embaumés

             De l’aube.

 

Comme un présage vermeil

Sur la terre qui sommeille,

J’apparais quand le soleil

             S’éveille.

 

Le vieillard, même affaissé,

Dans l’extase où je le plonge,

Se tourne vers le passé

             Et songe.

 

Et tous les petits enfants

Fleurs aussi fraîches écloses,

Penchent vers moi leurs fronts blancs

             Et roses.

 

Puisque le ciel a voulu

Qu’ici bas on vive on meure,

J’attends d’un cœur résolu

             Mon heure.

 

Va de séjour en séjour

Où ton caprice te pousse :

La terre où j’ai vu le jour

             M’est douce...

 

 

                       ENVOI

 

Malgré mécompte et douleur,

Dans sa retraite modeste,

Le sage imite la fleur

             Il reste.

 

 

 

Mme Jules MONTAUD.

 

Paru dans La Sylphide en 1897.

 

 

 

 

 

 

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