Prière des Rois mages
Les Mages dans l’étable avec respect entrèrent
Où se trouvait l’Enfant divin qu’ils contemplèrent.
Et les bergers courbant leurs fronts humiliés
Aux pieds de son berceau s’étaient agenouillés.
Puis saluant Jésus qui porte la lumière
Ils lui firent cette prière :
Une étoile, à votre berceau,
Jésus, a conduit les rois mages,
Front marqué par le divin sceau
Nous vous apportons nos hommages.
Nous venons vous offrir l’encens,
L’or, la cinnamome et la myrrhe.
Mais de nos cœurs reconnaissants
C’est l’offrande qu’un Dieu désire.
Quel langage à nos cœurs émus
Nous tient votre modeste crèche ?
Quelles admirables vertes,
Quels sacrifices elle prêche !
D’une harpe elle a la douceur,
Elle a les éclats du tonnerre,
Son aspect enivre le cœur.
Qu’est à côté d’elle une chaire ?
D’elle jaillissent des splendeurs.
C’est le plus beau des tabernacles,
L’amour en répand ses ardeurs.
On l’entend rendre des oracles.
Il en sort de joyeux concerts,
Et la harpe du Roi-prophète
N’exhala pas de plus doux airs
À Sion dans les jours de fête.
De votre aspect délicieux
Vous nous accordez les prémices,
Que votre amour est précieux,
Qu’on y trouvera de délices !
Du bonheur de l’humanité
Ce sera la source féconde,
L’Océan de votre bonté
Sera la ceinture du monde.
Comme l’arc-en-ciel radieux
Joint l’azur au mont solitaire,
Vous serez le pont merveilleux
Unissant le ciel à la terre.
Et sur ce pont qu’ils béniront,
Confondant leurs saintes phalanges,
En triomphateurs passeront
Les hommes à côté des anges.
Consolation du pécheur
Vous serez la douce rosée
Versant la vie et la fraîcheur
Sur une campagne épuisée.
Jésus, criera le malheureux.
L’indigent vous dira : Mon frère.
Vos grâces descendront sur eux,
Vous soulagerez leur misère.
Divin enfant, à votre aspect
Tous les obstacles disparaissent,
Les cieux sont saisis de respect,
Leurs voûtes devant vous s’abaissent.
À vos charmes le cœur se prend,
Vous enchaînerez la tempête,
Vous serez un grand conquérant
Car le monde est votre conquête.
Sur le sort de l’humanité,
Arrêtant le tocsin d’alarmes,
Votre inépuisable bonté
Dans les yeux tarira les larmes.
Votre dévouement fléchira
De Dieu l’éternelle justice,
Et l’Univers admirera
Votre glorieux sacrifice.
Cèdres, palmiers, que vos rameaux
Sous un vent céleste frémissent,
Retentissez chœurs des oiseaux.
Que les vallons se réjouissent !
Ô ruisseaux murmurez vos airs,
Que de bienfaits vont se répandre !
Terre et cieux formez des concerts,
C’est le pardon qui va descendre.
Salut à vous céleste Enfant,
Porteur de la divine aumône.
Est-il berceau plus triomphant ?
Votre crèche vaut plus qu’un trône.
Tous les rois, tous les empereurs,
De vos couleurs prenant l’emblème,
Porteront à leurs fronts vainqueurs
Vos insignes pour diadème.
Quels horizons resplendissants,
Seigneur, devant nos regards s’ouvrent,
Quels triomphes éblouissants
Nos yeux dans l’avenir découvrent !
Je vois l’Univers à genoux ;
Quel délire de moi s’empare !
Les fronts couronnés sont jaloux
Du vif éclat de la tiare.
Vous serez le puissant soleil
Que longtemps attendit le monde,
Éclairant d’un reflet vermeil
Les gouffres de la nuit profonde.
Les bienheureuses nations
Par vous compteront les années,
Toutes les générations
À vos pieds seront prosternées.
La foudre éclate sur les monts,
Dans les roulements du tonnerre.
Vous terrasserez les démons
Et vous en purgerez la terre.
Les peuples, à vos lois soumis,
Proclameront votre puissance,
Et pour vous, tous vos ennemis
Seront pleins de reconnaissance.
Du Très-Haut le Fils glorieux
Veut choisir une humble origine,
Mais la crèche contient les cieux.
À quels honneurs on vous destine.
Jésus, vous tenez dans vos bras
Le sort de nos destins étranges,
Toutes les gloires d’ici-bas
Pâliront devant vos louanges.
Salut à vous Fils bien aimé,
Rassérènement de la terre !
Resplendis au regard charmé,
De nos cieux astre tutélaire.
Nul cri vers vous ne sera vain,
En vous sera notre espérance,
Vous versez un baume divin
Sur le malheur et la souffrance.
Dans des palais plafonnés d’or,
Sous les voûtes des cathédrales,
Au milieu d’un pompeux décor,
Au chant des orgues triomphales
On dira votre sainteté.
Sur l’autel brillera la rose.
Dans notre humble simplicité
Nous faisons votre apothéose.
Tombez voiles mystérieux
Qui cachez le ciel à la terre.
Quel astre au lever radieux
Vient d’éclairer le grand mystère !
Terre, tressaille de bonheur,
Pousse le cri de délivrance,
Le voilà, terre, ton Sauveur,
Voilà ton unique espérance.
Le ciel, la terre et les enfers
Sont soumis à votre puissance,
Votre nom parcourt l’Univers
Plein de votre magnificence.
Tout genoux partout fléchira
Devant votre grandeur suprême,
Et toute bouche chantera
Le grand vainqueur de la mort même.
Votre front de lumière est ceint,
Quelle splendeur sur vous rayonne,
Ô Rédempteur, Dieu trois fois saint,
De chants sacrés que tout résonne.
Hosannahs montez dans les airs.
Oh ! n’est-ce pas le chœur des anges.
Quel chant répond à ces concerts,
La terre au ciel joint ses louanges.
Salut, salut ô Roi des cieux,
En entrevoyant votre gloire
Pardonnez si nos cœurs pieux
Entonnent un chant de victoire.
Un jour, aux parvis éternels,
Daignez penser aux pauvres Mages
Qui furent les premiers mortels
À vous apporter leurs hommages.
Alfred MONTVAILLANT,
Les roses de Saron, 1905.