Envol sidéral
Souventes fois je rêve d’un long voyage blanc...
Sur un flocon nacré tout là-haut je me hisse,
Et dans l’éther subtil doucettement je glisse
Vers un lointain pays aux horizons troublants.
Saturée d’infini, je plane... plane encor
Sur des monts chevelus et des neigeuses cimes.
Je plonge avec délices en de mouvants abimes
Dont mon âme éblouie suppute les trésors.
Sur l’océan d’opale vogue là, sans bruit,
De l’alcyon léger, la laiteuse carène
Cependant que berceur, tel un chœur de sirènes,
Monte le chant prenant d’un voilier qui s’enfuit...
À l’orient splendide un écrin de saphir,
Comme un envoi princier de primeurs exotiques,
Émerge de ces flots en corbeille magique
Dont l’odeur capiteuse enivre le zéphir...
Là tout près, s’estompant, tel un saint de vitrail
Dans le couchant d’or, la main levée bénissante,
L’auguste Vieillard à la voix compatissante :
Superbe et légendaire profil de pur émail !
Les merveilleuses voix d’un sublime concert
Élèvent vers le Ciel la ferveur délirante,
Où les pieux Ave d’une foule confiante
S’unissent aux accents d’un célèbre Pater !
Mon âme transportée sur le chemin des cieux
Oublie pour un instant, d’ici-bas, la misère
Pour monter sans effort vers la paix, la lumière
De la blanche Cité où se rivent mes yeux.
Et je rêve à l’étoile aux captivants rayons
Recueillant nos soupirs en son voyage preste,
Pour nous les rendre un soir en symphonie céleste
Quand notre cœur trop las n’aura plus de chansons.
Polyne MORENCY.
Recueilli dans Fantaisies,
Union des jeunes écrivains,
Éditions nocturne, 1958.