La fête de ma mère
S’il est sur cette terre
Un éclair de bonheur,
Un rayon salutaire
Qui caresse le cœur,
Une lueur amie
Dans l’ombre de nos jours,
Ces flots de poésie
Qui murmurent toujours ;
S’il est des églantines
Qui ne se fanent pas,
Des roses sans épines
Aux buissons d’ici-bas ;
Dans notre coupe amère
S’il est un peu de miel ;
Si l’eau qui désaltère
Pour nous tombe du ciel ;
Je crois que les prières
Qui nous valent ces biens
Sont celles de nos mères,
Ces bons anges gardiens !...
Je crois que leur voix sainte
Monte au plus haut des cieux,
Comme une chaste plainte,
Comme un encens pieux.
Si notre frêle enfance
Ignore les douleurs,
Si la douce espérance
La couvre de ses fleurs,
Ce sont toujours nos mères
Qui font nos fronts sereins,
Nos larmes éphémères,
Nos heures sans chagrins.
Ah ! que notre tendresse
S’accroisse chaque jour !
Chérissons-les sans cesse,
Entourons-les d’amour !
Puis, lorsque de leur fête
Vient le mois adoré,
Si notre âme est poète,
Prenons le luth doré,
Et disons-leur : Ma mère,
Le bonheur sur ton sein
N’est point la fleur légère
Qui meurt dès le matin ;
C’est hi divine flamme,
Le soleil bienfaisant
Qu’au vrai cœur de la femme
À mis le Tout-Puissant !
Sur ce triste rivage
Tout est faux, rien n’est pur ;
Toujours quelque nuage
Du ciel corrompt l’azur ;
Sous nos pas tout s’efface,
Comme un vain bruit d’écho,
Comme le flot qui passe,
Remplacé par le flot !
Un gracieux sourire
Cache un piège trompeur,
La candeur qu’on admire
Une âme sans pudeur ;
Qui tout haut nous caresse,
Veut nous trahir tout bas ;
Ô mère ! ta tendresse
Seule ne trompe pas...
Sur elle je m’appuie
Comme un lis attristé
Qui, demandant la pluie
Durant un jour d’été,
S’appuie au tronc du chêne
Dont le feuillage ami
La dérobe à l’haleine
Des vents chauds du midi....
Ah ! lorsque la tempête
Du séjour éthéré
Grondera sur ma tête,
Calme, je reviendrai,
Comme dans mon enfance,
Le front sur tes genoux,
Invoquer l’espérance
Et ses rêves si doux.
Des peines de la vie
Tu me consoleras,
Tu berceras, amie,
Mon sommeil dans tes bras ;
Et moi, sur ta vieillesse
Je sèmerai des fleurs,
Des heures d’allégresse
Et des jours sans douleurs...
Élise MOREAU.
Recueilli dans Femmes-poètes de la France,
anthologie par H. Blanvalet, 1856.