Aux pays de la beauté
D’autres hommes viendront pleurer au bord des routes
Où tu pleurais, rempli d’un sombre désespoir.
Ils se lamenteront sur les mêmes déroutes,
Sur le même orgueil las lorsque descend le soir.
D’autres hommes viendront, allant vers les ténèbres
Du destin, éperdus, farouches, insoumis,
Leurs plaintes déchirant comme des cris funèbres
Les voiles vaporeux et tristes de la nuit.
Que ma douleur enfin laisse ce chant stérile,
– Seul je n’ai pas souffert et d’autres souffriront, –
Afin qu’en moi renaisse une force virile
Et que l’espoir vainqueur illumine mon front !
... Oui, je veux vous brandir puissamment, ô mes rêves,
Et que la vie éparse, en rythmes souverains,
Pareille à la rumeur des vagues sur les grèves,
Chante un chant de victoire à mes lèvres d’airain.
Déjà je te connus, sauvage orgueil de vivre,
De tenir le flambeau d’amour et de beauté,
De marcher comme un prêtre ardent, qui serait ivre,
Et porterait son âme à la divinité.
Jean MOREL.
Paru dans L’Année poétique en 1906.