Pensées tristes
– Oh ! je voudrais chanter le printemps et les roses,
Poète, comme vous,
Et me griser aussi de ces suaves choses
Qu’on dit aux rendez-vous !
Comme vous je voudrais, à tout ce qui respire,
À l’insecte, à la fleur,
Au mendiant qui passe, à l’oiseau qui soupire,
Confier mon bonheur !
Je voudrais, comme vous, chanter en vers sublimes,
À chaque instant du jour,
Le ciel bleu, l’océan, Dieu, puis les hautes cimes,
La jeunesse et l’amour !...
Comme vous je voudrais, avec la bien-aimée,
Courir les papillons
Qui voltigent joyeux dans l’herbe parfumée
Où dorment les grillons !...
Mais las !... je n’ai plus rien au cœur qui me sourie,
Rien qu’une âpre douleur.
Mon âme, pauvre veuve, est à jamais meurtrie
Et vouée au malheur !
Ô mes illusions, si douces et si chères !
Et toi, rêve si beau !
Pourquoi m’ouvrir sitôt les chemins solitaires
Qui mènent au tombeau ?
Et puisqu’il ne me reste, ô Seigneur, sur la terre,
Aucun être à chérir,
Et que pour toi mon cœur n’a plus que la prière,
Ne dois-je pas mourir ?...
Louis MOREAU.
Recueilli dans Poésies de l’Académie
des muses santones, 11e volume, 1888.