Musique
Ce soir, en écoutant de la noble musique,
Mon esprit, libéré de l’entrave physique,
S’est envolé d’un bond soudain, puissant et sûr,
Tel l’oiseau délivré s’élance vers l’azur.
Dans des temples, vibrant d’un somptueux andante,
Et des jardins, baignés d’une lumière ardente,
Je fus, trop bref instant, l’hôte des Maîtres morts.
Tout n’était qu’harmonie, extase, purs accords.
La voix des sources et la voix des clairs de lune
Se mêlaient aux sanglots des mers et de la dune,
Les chants de Montsalvat à l’ivresse d’Yseult...
Ô concert exalté jaillissant pour moi seul !
Et je compris qu’une obscure miséricorde,
Prévoyant la muette et sombre mort, accorde
À ceux que marque le stigmate sensuel
D’entendre, avant le grand Silence, un peu du ciel...
Paul MORIN,
Poèmes de cendre et d’or, 1922.