BRAY-SUR-SEINE
CE qui frappe d’abord avant tout, c’est l’usine.
La Sucrerie à Bray de l’église est voisine,
Église et cheminée ont la même hauteur
Et lancent de concert leur hymne au Créateur,
Car on peut constater dans cette fourmilière
Que la sainte union est chose familière,
Et qu’il est aussi bon, le brave paysan,
Que les sillons ouverts qu’il va fertilisant.
Or j’ai rêvé ceci : Ce n’était pas un rêve,
Car l’heure sonne enfin de l’éternelle trêve.
J’ai rêvé qu’un beau jour toute l’humanité
Vivrait en bon accord sous un climat d’été ;
Que nos concitoyens devenus tous des frères,
Avaient banni loin d’eux les discordes contraires
Et se tenant unis et la main dans la main
Vers l’Idéal, vers Dieu, se frayaient un chemin.
Espérance et travail composaient leur devise,
Ils avaient balayé tout ce qui nous divise,
Leur étoile brillait dans l’azur souriant
Et comme au temps passé marchait vers l’Orient,
Grandiose décor de la splendide scène,
À mes pieds lentement se déroulait la Seine
D’un bleu pareil au ciel, et d’amont en aval,
Des bateaux surchargés glissaient sur le canal.
Puis d’un sommet pareil à ceux des cathédrales,
De l’usine volait la fumée en spirales.
Une intense énergie émanait de son corps,
Et des moteurs grinçants s’échappaient des accords,
Sous la brise, les joncs jouaient des airs de flûtes,
Et la fumée à flots déroulait ses volutes.
De ce concert immense où rien ne détonna,
S’élançait vers le ciel un sublime hosannah.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Français, Briards, enfants de la même patrie,
Rois par l’agriculture ou bien par l’industrie ;
Paysans qu’ennoblit la noblesse du cœur,
Dont le sang généreux, fécondante liqueur,
Ne pourrait circuler en de plus fortes veines,
Vous ne croirez jamais à des promesses vaines.
Vous ne laisserez pas les grains de la fourmi
Acquis péniblement passer à l’ennemi.
Vous avez dans vos mains la justice exemplaire
Seule digne de vous, seule étant populaire.
Or, il dépend de vous de prendre un libre essor.
Vous avez dans vos mains le nœud de votre sort.
Vous pouvez le trancher d’un coup d’une main sûre
Et c’est la liberté que ce coup vous assure,
Car le repos final dans les prospérités,
Vous l’aurez sûrement, si vous le méritez.
Alix MOUSSÉ.
Paru dans La Sylphide en 1898.