Pour le sommeil confondus
Dormir ensemble ! Ainsi qu’on rompt le pain du jour,
Communier, la nuit, aux agapes du somme :
– Couple qu’éveilleront le travail et l’amour, –
Tels la première femme avec le premier homme.
Dormir ensemble... après avoir prié le Dieu
De la rude Genèse et du tendre Évangile ;
L’âme, au clair des deux fronts, brûlant du double feu
Conjointement baissé de deux lampes d’argile.
Dormir ensemble. Aller d’aujourd’hui vers demain
Dedans la même barque, au même appareillage,
Sur ce fleuve insondé dont le regard humain
Ne voit pas le fuyant ou rapproché visage...
Dormir. Ne plus savoir ce qui fut à chacun,
De tout ce qu’on possède et tout ce qu’on éprouve
N’être plus toi, ni moi. Dormir... N’être plus qu’un !
Se perdre... et c’est en l’autre, alors, qu’on se retrouve.
Amélie MURAT, Passion, Éd. Garnier.
Recueilli dans Les poèmes du foyer.