Pour l’amour éternel
Vos yeux où réfléchir mes larmes bienheureuses,
Vos bras en qui mes plus beaux rêves sont bercés,
Ce bonheur suffisant à d’autres amoureuses,
S’il est pour moi beaucoup, n’est pas encore assez.
Ce front où la pensée affleure, ombre et lumière,
Où transparaît le sang dont un fin lacis bleu
Délimite la vie ardente et prisonnière,
Je le balle et rebaise... et c’est encor trop peu.
Ce docile abandon des êtres l’un à l’autre,
Les cœurs harmonisés sur un si juste accord
Que le mien m’avertit des battements du vôtre,
J’en sais l’enivrement..., mais j’attends plus encor.
Autre chose ! Écarter, renverser les barrières
De l’éden temporel qui ne nous contient plus,
Vous capter en plein vol, brises avant-courrières
Du Paradis où vous régnez, couples élus.
Davantage ! Épouser, au travers de la forme,
L’âme, idole d’un choix téméraire et certain.
Et puisqu’il faut, un soir, que toute chair s’endorme,
Le rendez-vous soit pris pour l’éternel matin !
Surpassant les amours qui se veulent fidèles
Jusqu’au baiser perdu qu’un linceul va couvrir,
J’aspire, bien-aimé, sur vos lèvres mortelles,
Quelque chose de vous... qui ne doit pas mourir !
Amélie MURAT, Passion, Éd. Garnier.
Recueilli dans Les poèmes du foyer.