Pour toutes les heures
Donnez-le moi, mon Dieu ! Vous seul pouvez encore
Rouvrir, plus chaud, ce tiède cœur prêt à se clore.
Et pour ces jeux distraits, marquer de votre doigt
La page de ma vie... Ô Dieu, donnez-le moi !
Quelle, au monde, saurait l’aimer comme je l’aime
S’il m’est tout, passion et tendresse et poème,
S’il fait battre, en mon être immensément épris
Et la source du sang et l’aile de l’esprit ?
Donnez-le moi, mon Dieu ! Je fus impie ou folle,
Pour un baiser rendu j’ai promis une obole ;
J’ai déserté la messe au jour dominical
Quand mon chagrin d’amour criait d’un trop grand mal.
Mais de quel grave élan j’aborderai l’église,
– Donnez-le moi, mon Dieu ! – si mon pas s’égalise
Sur les pas de l’Ami, du Maître, de l’Époux,
Par qui... mais par qui seul je peux aller à vous.
Donnez-le moi, mon Dieu ! N’être que son amante,
Pour un cœur exigeant que l’infini tourmente
Et le remords déchire..., oh ! ce serait trop peu :
De votre droite, en paix, donnez-le moi, mon Dieu !
Ce n’est point mon désir seul qui cherche et réclame
Le refuge des bras de l’homme... C’est mon âme
Qui sur l’effeuillement du calice charnel
Veut saisir le profond parfum de l’éternel ;
Veiller à deux la flamme... et non prévoir la cendre,
S’étreindre pour monter... non s’unir pour descendre.
Donnez-le moi, mon Dieu ! J’ai dit ces mots cent fois ;
Mais sans trahir mon cœur, comment changer ma voix ?
Et tant que sous mes mains battra ce cœur fidèle,
Cette voix, ignorant ce qu’il adviendra d’elle,
À travers la révolte, et l’angoisse, et l’adieu,
Vous importunera : Donnez-le moi, mon Dieu !
Amélie MURAT, Passion, Éd. Garnier.
Recueilli dans Les poèmes du foyer.