Nocturne
C’est l’heure unique, solennelle,
Où l’astre-roi dit son adieu
À la gloire immense, éternelle,
De chaque cime au front de feu.
Sous d’autres cieux son opulence
Verse son charme désormais :
C’est l’heure auguste où le silence
Descend au val, monte aux sommets.
C’est l’heure ineffable où la terre
Va se transformer en saint lieu,
Où, dans le nocturne mystère,
Semble parler la voix de Dieu.
C’est l’heure sainte où l’Alpe blanche
Entend le son de l’Angélus
Dire au fracas de l’avalanche :
Je suis immortel, tu n’es plus.
Et c’est l’instant où, les cieux roses
Empourprant l’argent du glacier,
À l’adoration des choses
Mon rêve va s’associer.
Charles NEUHAUS.
Paru dans L’Année des poètes en 1893.