Les passereaux d’argile

 

 

Au bord d’un lac voilé d’une brume légère,

Qui sommeillait, paisible, aux rayons du soleil,

Quelques petits enfants jouaient, près de leur mère.

Le ciel d’azur semblait sourire au flot vermeil.

 

Après avoir couru longtemps, d’un pied agile,

L’essaim joyeux, lassé de ses bruyants ébats,

S’assit, pour façonner des passereaux d’argile...

            Qui ne s’envolaient pas.

 

Alors, dans le sentier qui descend du village,

            À l’ombre des palmiers,

Un autre enfant venait rejoindre sur la plage

            Les petits ouvriers.

 

Tout jeune et bien plus beau que le plus beau des anges,

            Sous ses longs cheveux d’or,

Il dit en souriant : « J’animerai ces fanges,

            Qui prendront leur essor. »

 

Un céleste rayon parait son front candide,

            Et, pleins d’un vague effroi,

Les enfants croyaient voir dans son regard limpide

            La majesté d’un roi.

 

La prière montait de son âme, ravie

            Vers les cieux étoilés.

Puis, il tendit la main sur les oiseaux sans vie,

            En leur disant : « Volez ! »

 

Et les passereaux, fiers de leurs plumes nouvelles,

Dans l’espace azuré volèrent en chantant,

Et revinrent bientôt, en agitant leurs ailes,

Se poser sur l’enfant.

 

C’était Jésus. – Lisez cette naïve histoire,

            Bardes harmonieux,

Dont l’âme aveugle, au lieu d’adorer et de croire,

            Se détourne des cieux.

 

Vous créez sans Jésus, et votre œuvre est fragile.

            Tous vos efforts sont vains,

Tant qu’il n’a pas touché vos passereaux d’argile

            De ses regards divins.

 

Pourquoi vanter toujours le plaisir et les roses

            Qui contentent si peu

L’homme, pauvre roseau pliant sous toutes choses,

            S’il ne porte pas Dieu ?

 

Est-ce pour amuser une foule frivole,

            Comme de vils jongleurs,

Que Dieu sur votre front alluma l’auréole

            Et le feu dans vos cœurs ?

 

Menacer ou bénir pour arracher une âme

            Au sommeil de la mort ;

Dans un cœur refroidi faire brûler la flamme

            Ou jeter le remord ;

 

C’est votre mission, ô maîtres de la lyre.

            Les poètes sont rois,

Lorsque le nom de Dieu vibre dans leur délire,

            Qu’il parle par leur voix.

 

Allez donc écouter la divine parole,

Allez boire, au torrent des célestes clartés,

L’amour qui fortifie et l’espoir qui console....

            Levez-vous, et chantez !

 

Le souffle qui descend des sphères éternelles

            Touchera votre front ;

Comme les passereaux vos chants auront des ailes,

            Et vos œuvres vivront.

 

 

 

Maximilien NICOL.

 

Paru dans la Revue de Bretagne et de Vendée en 1878.

 

 

 

 

 

 

 

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