Que Dieu paraît absolument infini
FRAGMENT
Mon Dieu, mon Seigneur, qui êtes le support et l’aide de ceux qui vous cherchent, je vous vois dans l’entrée de votre Paradis, et vous voyant je ne saurais dire quel objet j’ai devant moi, parce que je ne vois rien de ce qui est visible, et je sais bien une seule chose, c’est que j’ignore ce que je vois, et qu’il m’est impossible de le pouvoir jamais savoir, et votre nom m’est inconnu, car je ne sais pas qui vous êtes. Et si quelqu’un me dit que vous portez ce nom-ci ou celui-là, en cela même qu’il vous nomme je sais que ce n’est pas votre nom, car, quelque signification que puisse avoir un mot, c’est un rempart au-delà duquel je vous vois. Et si quelqu’un forme quelque pensée pour vous connaître, je suis assuré qu’elle ne vous atteint, d’autant que toute pensée ne passe pas l’enceinte du Paradis. Et si quelqu’un prétend vous pouvoir faire connaître par quelque similitude, je tiens lors pour certain qu’il ne vous représente point. De plus si quelqu’un se veut mêler de discourir de votre entendement, comme voulant vous borner afin que l’on comprenne qui vous êtes, celui-là se trompe bien fort parce que vous êtes séparé de toutes ces choses-là par un mur d’une hauteur démesurée qui vous élève au-dessus de tout ce que l’on peut dire ou penser, comme étant exempt de tout ce qui peut tomber en la pensée d’un chacun.
NICOLAS DE CUSE,
Traité de la Vision de Dieu.
Traduit de l’allemand par Golefer.
Recueilli dans Dieu et ses poètes, par Pierre Haïat,
Desclée de Brouwer, 1987.