Je voudrais faire avec une pâte de fleurs

 

 

Je voudrais faire, avec une pâte de fleurs,

Des vers de langoureuse et glissante couleur,

Où la rose d’été, l’œillet et le troène

Répandraient leur arome et leur douce migraine ;

 

Des vers plus odorants qu’un parterre en juin,

Où l’on marche en posant sur son cœur une main,

Où, las de la lumière et des herbes trop belles,

On soupire en rêvant sous de larges ombrelles ;

 

Des vers qui soient pareils à nos premiers jardins,

Où, remuant le sable et les cailloux, soudain,

Le paon traînait le beau feuillage de sa queue

Près de la mauve molle et des bourraches bleues ;

 

Des vers toujours gluants de sucre et de liqueurs,

Comme le doux gosier des plus suaves fleurs,

Comme la patte aiguë et mince de l’abeille

Enduite de miel fin et de poudre vermeille,

 

Et comme le fruit chaud du tendre framboisier,

Qu’étant petite enfant, mon âme, vous baisiez,

Car vous aimiez déjà les choses de la vie,

Le matin odorant, la pelouse ravie,

 

Les rosiers emplis d’ombre et d’insectes légers,

L’inexprimable odeur du divin oranger,

Avec le cœur penchant et le fervent malaise

De sainte Catherine et de sainte Thérèse...

 

 

 

Comtesse MATHIEU DE NOAILLES.

 

Paru dans Les Annales politiques et littéraires en 1908.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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