Donne-moi du bonheur

 

 

Donne-moi du bonheur s’il faut que je le chante,

De quoi juste entrevoir ce que chacun en sait,

Juste de quoi rendre ma voix assez touchante,

Rien qu’un peu, presque rien, pour savoir ce que c’est.

 

Un peu – si peu – ce qui demeure d’or en poudre

Ou de fleur de farine au bout du petit doigt,

Rien, pas même de quoi remplir mon dé à coudre...

Pourtant de quoi remplir le monde par surcroît.

 

Car pour moi qui n’en ai jamais eu l’habitude,

Un semblant de bonheur au bonheur est pareil,

Sa trace au loin éclairera ma solitude

Et je prendrai son ombre en moi pour le soleil.

 

Donne-m’en ! Ce n’est pas, mon Dieu, pour être heureuse,

Que je demande ainsi de la joie à goûter,

C’est que pour bercer l’homme en la cité nombreuse,

La nourrice qu’il faut doit savoir tout chanter.

 

Prête-m’en... Ne crains rien, à l’heure de le rendre,

Mes mains pour le garder ne le serreront pas,

Et je te laisserai, Seigneur, me le reprendre

Demain, ce soir, tout de suite, quand tu voudras...

 

 

 

Marie NOËL.

 

 

 

 

 

 

 

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