À Érasme
Ô mon vieux maître Érasme, incomparable ami,
Je me plais aux leçons que ton bon sens distille,
Où ton esprit, armé de sa verve subtile,
Se livre tour à tour et se cache à demi.
Quand les pharisiens et les sots ont frémi,
Sur ton paisible seuil pressant leur foule hostile,
Tu n’avais que ta plume, ô maître, et ce beau style
Dans ton latin muet désormais endormi.
Tu souffrais de quitter les livres et tes Muses ;
Mais, pour cingler le vice et démasquer les ruses,
Ta riposte pourtant vibrait comme un éclair.
Si j’ai bien pénétré dans ton âme profonde,
Enseigne-moi le franc-parler, et le mot clair,
Et le mépris des fous qui gouvernent le monde.
Pierre de NOLHAC, Paysages de France et d’Italie.