Hymne

 

 

Amour qui voles dans les nues,

Baisers blancs, fuyant sur l’azur,

Et qui palpites dans les mues,

Au nid sourd des forêts émues ;

 

Qui cours aux fentes des vieux murs,

Dans la mer qui de joie écume,

Au flanc des navires, et sur

Les grandes voiles de lin pur ;

 

Amour sommeillant sur la plume

Des aigles et des traversins,

Que clame la sibylle à Cume,

Amour qui chantes sur l’enclume ;

 

Amour qui rêves sur les seins

De Lucrèce et de Messaline,

Noir dans les yeux des assassins,

Rouge aux lèvres des spadassins ;

 

Amour riant à la babine

Des dogues noirs et des taureaux,

Au bout de la patte féline

Et de la rime féminine ;

 

Amour qu’on noie au fond des brocs

Ou qu’on reporte sur la lune,

Cher aux galons des caporaux,

Doux aux guenilles des marauds ;

 

Aveugle qui suit la fortune,

Menteur naïf dont les leçons

Enflamment, dans l’ombre opportune,

L’oreille rose de la brune ;

 

Amour bu par les nourrissons

Aux boutons sombres des Normandes ;

Amour des ducs et des maçons,

Vieil amour des jeunes chansons ;

 

Amour qui pleures sur tes brandes

Avec l’angelus du matin,

Sur les steppes et sur les landes

Et sur les polders des Hollandes ;

 

Amour qui voles du hautain

Et froid sourire des poètes

Aux yeux des filles dont le teint

Semble de fleur et de satin ;

 

Qui vas, sous le ciel des prophètes,

Du chêne biblique au palmier,

De la reine aux anachorètes,

Du cœur de l’homme au cœur des bêtes ;

 

De la tourterelle au ramier,

Du valet à la demoiselle,

Des doigts du chimiste à l’herbier,

De la prière au bénitier ;

 

Du prêtre à l’hérétique belle,

D’Abel à Caïn réprouvé ;

Amour, tu mêles sous ton aile

Toute la vie universelle !

 

Mais, ô vous qui m’avez trouvé,

Moi, pauvre pécheur que Dieu pousse,

Diseur de Pater et d’Ave,

Sans oreiller que le pavé,

 

Votre présence me soit douce.

 

 

 

Germain NOUVEAU, Poésies d’Humilis et vers inédits, 1924.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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